Le Loup des Steppes

Transition d'un jeune loup FTM

Archive for mai, 2008

Le Mâle

J’ai eu les résultats du labo hier, RAS. Je suis dans la moyenne pour tous les taux, donc y’a aucun problème.

Sinon. Il faut absolument que je vous raconte ma mésaventure d’hier.

Je sais pas ce que les caissiers de cinéma ont, mais en tout cas c’est toujours ceux qui me posent des problèmes (alors que j’ai par exemple été contrôlé deux fois dans le métro récemment et aucun problème).

Donc.

La scène se passe à l’UGC Odéon où on avait rendez-vous pour Sex and the City.

À la caisse, je présente ma carte d’étudiant et demande une place. La caissière bloque sur la photo et avant qu’elle ne dise quoi que ce soit je lui dis que c’est bien moi. Elle est obviously sceptique. J’insiste. Après quelques secondes de silence et d’une tête très agacée de sa part elle me sort un « et ça marche à chaque fois ? ». Je lui réponds, « nan nan mais c’est vraiment moi, regardez, c’est le même nom que sur la carte bleue » (j’avais pas de liquide). Et là elle me répond d’un ton extrêmement méprisant « nan mais vous avez très bien pu tout voler d’un coup ». Ha-llu-ci-nant. Scié, je bloque quelques instants et lui réponds que c’est vraiment moi (à ce stade elle commence à m’énerver) et, sortant ma carte bleue la regarde et me dis d’un ton ironique « oui, bien sûr, c’est vous V. ? ». Je lui et répondu que oui, et j’ai carrément sorti mon pass navigo pour lui montrer que c’était toujours moi. Mais elle avait décidé de pas me croire et m’as sorti un dernier « oui enfin ça prouve rien, si vous avez tout volé au même moment »…

Je suis parti en lui disant une dernière fois que c’était bien moi, mais dans un passé lointain. Ca m’a vraiment saoulé de devoir me défendre d’une identité que je déteste. Et puis c’est pas de très bonne augure pour les mois à venir, ceux où j’aurai plus de barbe, ceux où j’aurai une apparence encore plus masculine…
Heureusement une bonne partie de mes cartes (dont ma carte étudiant) auront une photo plus actuelle donc a priori les gens ne regarderont pas le nom.

M’enfin.

Je crois que ce qui m’a surtout agacé c’est que j’ai senti dans son agression verbale un côté « toi homme = mal ».

Comme l’autre fois au Casino. Je venais de payer, je passe le portail magnétique qui sonne sans raison (ça arrive souvent, et avant la transition je regardais le vigil qui me faisait signe de continuer genre « le truc bug »). Là, la caissière me regarde et dit au caissier de « voir avec le jeune homme ». Le type a pris au moins cinq minutes pour vérifier tous mes articles et comparer avec le ticket de caisse. J’ai absolument rien dit pour pas qu’il se tape un trip tout seul. Et après m’avoir fouillé et vérifié chaque article, il m’a dit – visiblement déçu – « bon, vous pouvez y aller monsieur ».

Cette histoire m’a rappelé un blog (pas encore retrouvé l’adresse, mais je cherche) d’un américain black qui racontait à quel point sa transition lui avait fait découvrir les mauvais côtés d’être un homme noir. Depuis, il se faisait contrôler dix fois plus, les femmes le craignaient quand elles se retrouvaient seules dans les couloirs de métro la nuit, etc…

C’est fou quand même. Et ça fait bizarre de se dire qu’être un homme veut dire pour une partie de la société, être plus voleur, tricheur, menteur ou violent…

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Labo

Ce matin je suis allé me faire vider de mon sang (5 tubes) pour les examens pré-chirurgie.
Au programme, des tests bizarres portant des initiales : NES, TP, TCK, BHCG…. bref, du chinois pour moi !

La fille de l’accueil m’a demandé à un moment de quand dataient mes dernières règles. Face à ma tête type « putain, j’avais complètement oublié que j’avais vécu ça un jour. zut, c’était quand déjà la dernière fois ?? » suivit d’un nonchalant « euh, en fait j’en sais rien, ça fait plusieurs mois… », sa réaction m’a étonné.
Je sais pas du tout ce qui s’est passé dans sa tête mais elle m’a rapidement répondu « non mais c’est pas grave, je vais mettre « non communiqué » ».

C. pense qu’elle a dû comprendre (que j’étais trans). Moi j’ai du mal à y croire. Franchement, ça me paraît ouf que ça vienne à l’esprit des gens, même si elle a vu un jeune homme arriver, pour ensuite réaliser en regardant l’ordonnance qu’elle était supposée parler à une Mlle…

M’enfin, c’est peut-être parce qu’en ce moment je me vois pas toujours si masculin dans le miroir. Ca arrive les période comme ça. Où on doute de l’image qu’on renvoit…
Il faut que je me coupe les cheveux ! C’est décidé, demain tondeuse et rasoir pour ratiboiser tout ça.

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Nice, so nice.

En réponse à un dossier d’inscription dans un M1 de la Sorbonne dans lequel j’expliquais mon cas (« je suis trans, blabla, serait-il possible de modifier les listes de cours, blablabla… »), j’ai reçu une lettre hier me convoquant à un entretien le 4 juin…

… superbe en-tête non ?

Oui, je sais que l’administration reste toujours l’administration (et qu’il y a aussi des gens très gentils comme Mme P. que j’ai eu au téléphone il y a quelques semaines et qui m’a dit qu’il n’y aurait pas de problème pour les listes, mais qu’il faudrait le faire à la rentrée), et que c’est probablement plus un automatisme qu’autre chose, m’enfin bon, pourquoi barrer le « Mr », franchement…?

En tout cas, ça va être rigolo cette rencontre, je vous raconterai !

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Ceci est mon menton…

…à 3 mois de T et une semaine sans raser.

Attention, pas le droit de rire, y’a un début à tout hein !

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C’est quoi l’amour ?

Je viens de voir l’émission « C’est quoi l’amour » sur les trans.
Bon. C’est TF1. Mais c’était plutôt pas mal. Une MTF, un FTM et une MTF en devenir, mais plus incertaine de son identité (plus transgenre que transsexuelle selon ses dires) étaient présentés dans des docs.

Bizarrement, voir cette émission m’a rappelé le côté inhabituel de la question trans. Et oui, voir ses vies exposées sous le regard des caméras de TF1 en quête de drama (pas tant que ça cela dit, pour une fois) m’a rappelé le côté « sujet de société » de la transsexualité.
C’est fou. Mais j’avais complètement oublié.

Je suis donc content, j’ai fait un pas de géant en quelques années. Je suis passé de « putain c’est pas possible je suis trans, c’est affreux » à « c’est chelou, pourquoi ils en font tout un plat cette émission à parler de « sujet délicat » and co, c’est pas si anormal que ça ». C’est assez marrant quand même, à quel point on peut oublier que oui, ça peut choquer certaines personnes, etc.

En tout cas, cette émission était mieux que quand Delarue est au commande et pose des questions stupides pour amener ses invité(e)s dans un trip larme à l’œil que je ne cautionne pas.

Ce genre d’émission me rappelle également que l’entourage joue un rôle très important, et que si j’ai pu passer si facilement les barrières, et me sentir si bien, en tant que trans, c’est parce que mes proches ont été extrêmement compréhensifs et respectueux de ma nouvelle identité / vie.

Comme quoi. La télé c’est pas si nul. Ca permet de rester connecté avec ce monde bizarre qui existe dehors, où une partie des gens sont contre le mariage homo et hallucine quand on parle de trans.
Et du coup, ça permet de réaliser qu’en un sens, on est putain de chanceux d’être entouré comme on l’est, et de pouvoir vivre sa vie comme on le sent : humain, ni plus ni moins.

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Y’ever get lonesome ?

Perhaps he knew, as I did not, that the Earth was made round so that we would not see too far down the road.

Je suis triste. Sydney Pollack est mort.

Pourtant si je devais faire un top five des réalisateurs, j’aurai probablement mis d’autres cinéastes avant lui. Malgré tout, j’ai toujours aimé ses films, qu’ils soient de sa période dorée (damned, le type a quand même enchaîné They Shoot Horses, Don’t They ? (1969), Jeremiah Johnson (1972), The Way We Were (1973) et Three Days of the Condor (1975) !) ou plus récents (The Interpreter (2005) et Sketches of Frank Gehry (2005)).

Et puis ça me fait un choc parce que Pollack c’est représente une génération… qu’on va devoir se préparer à voir partir. Avec Redford, Beaty, Allen, Eastwood, Newman, Nicholson…

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Wait

J’ai appelé la clinique du Dr Fischer pour fixer la date de l’opération le 4 mars. Mais je réalise seulement maintenant que c’est réel, que ça va se passer. Plus de deux mois après.

Et à J-28, j’ai l’impression que je suis à nouveau dans cette période d’attente figée qui avait précédé ma première piqûre de T.
Attendre. Compter les jours. Y penser. Tout le temps.

Parce que oui, j’ai une tendance légèrement obsessionnelle. Et quand quelque chose prend possession de mon esprit, j’ai toujours un peu de mal à m’en défaire.

En ce moment j’alterne entre les moments de stress (pour l’après opé, les éventuelles douleurs et le temps incompressible de convalescence) et d’hystérie totale pendant lesquels j’ai extrêmement hâte que ce soit fait, de voir enfin mon torse !

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Sam Spade

Hier j’ai essayé de ranger un peu le bureau de mon ordinateur. Et, croyez-moi, c’était pas une mince affaire.

Mais du coup, je suis retombé sur plein de vieux trucs, tous plus ou moins en vrac dans mon dossier « trans ».

Notamment une vieille photo extraite d’un film fait pendant une nuit blanche de prise de conscience. Je dis un film mais je devrais dire le film. C’est la première fois où j’ai testé une version béta de Sam, genre dragking… ou Sam Spade, le héro d’Hammett, immortalisé par Bogart…

Je me suis fait une fausse barbe en maquillage, j’ai mis un chapeau pour cacher mes cheveux, puis j’ai enfilé une chemise, une cravate et une veste bleue marine.
Et je me suis filmé. La vidéo fera peut-être surface un jour, seule ou dans mon propre Tarnation, en attendant, j’ai eu envie de la mettre ici. Plus drôle encore, je me suis dis que j’allais la « refaire », aujourd’hui, pour voir.
Bon, avec un autre chapeau et une autre veste parce que j’ai plus les trucs en question. Pareil pour la barbe, je me sentais moyen de la refaire, et puis j’ai pas vraiment de maquillage sous la main. Mais bon, c’est l’idée.
J’essaierai de la faire à nouveau dans quelques mois ou années, lorsque je pourrai avoir une vraie barbe… !

C’est marrant quand même, parce que cette vidéo, je l’ai revue l’autre jour, et j’ai été très partagé. Dans mon souvenir, je riais, j’étais heureux de voir mon « moi potentiel », de me découvrir de la sorte. Mais en fait il y a tout un côté beaucoup plus triste. Vraiment triste. Comme une sorte de sentiment d’impuissance mêlé à une idée d’espoir incertain. Bizarre.

Anyway, ça m’a fait rire de faire cette séance photo.

J’en ai fait une autre d’ailleurs today pour un concours de photo trans, mais celles-là, je suis pas encore sûr de les poster un jour ici…

Ps : J-29.

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24

Vous savez peut-être que je fais une légère fixette sur les chiffres, parfois à la limite du TOC.
Genre : se coucher à 22h22 (oui enfin y’a dix ans, aujourd’hui ce serait plus de l’ordre de 2h22) ; ou commencer quelque chose d’important seulement un jour pair, si possible un lundi ; ou encore essayer de faire tel ou tel action un certain nombre de fois.

Hop. Voilà, en trois lignes je passe désormais pour un psychopathe monomaniaque à vos yeux !

Mais, tout cela pour une raison : aujourd’hui, nous sommes le 24 (mon nombre préféré). Et il se trouve que cela fait exactement 100 jours que je suis sous testo. Et qu’il reste pile un mois avant mon opération.

Bref, tout est parfait pour que j’entame mon mois de cleanitude absolue à savoir qu’à partir de maintenant je ne boirais plus une seule goutte d’alcool (y compris à la soirée de fin de coloc le 6 juin), et je mangerais de façon absolument saine en évitant certains aliments pour faire de mon corps un parfait petit soldat qui se remettra bien de l’opé du 24 juin.

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Hermann Hesse

Depuis plusieurs jours, je constate que de nombreux visiteurs atterrissent ici en cherchant des infos sur Le Loup des Steppes, le vrai, celui d’Hermann Hesse.

Alors comme ils doivent êtres bien déçus de ne rien trouver, et que surtout car je réalise que je n’ai jamais vraiment parlé ici, ni de mon livre préféré, ni du pourquoi du comment il a donné son titre à ce blog.

Ce livre je l’ai lu sur un conseil de mon père. Je me souviens plus exactement du contexte, mais je me souviens qu’il m’avait plusieurs fois recommandé de le lire. Le titre m’a tout de suite plu, et j’ai gardé l’information dans un coin de ma tête, me disant qu’un jour je prendrais le temps de lire.
Et puis quelques années plus tard, je suis tombé sur Demian que j’ai dévoré entre les séances de cinéma du festival de La Rochelle. J’ai tout de suite été fasciné par cet univers nouveau, ce génie littéraire et ce côté initiatique très fort. Hermann m’avait parlé. Pendant cette escapade à La Rochelle, j’ai rencontré une fille avec qui j’ai parlé plusieurs heures après une séance. C’était relativement fou comme rencontre, très cinématographique en fait. On a marché sur le port, partagé une longue discussion. Et je lui ai donné Demian parce qu’il me semblait déjà à ce moment, que les livres d’H.H devaient êtres diffusés le plus largement possible. À ce propos, E. qui habite aujourd’hui à Nantes, si par le plus grand des hasards tu me lis un jour, fais-moi signe parce que la seule trace de ton numéro est dans la mémoire d’un téléphone cassé…!

Bref. Tout ça pour dire qu’après avoir lu Demian, j’ai voulu tout de suite poursuivre avec le Loup des Steppes.

Et c’est donc logiquement que, quelques semaines plus tard, j’en ai ouvert les premières pages dans l’avion entre Paris et Stockholm.
Rétrospectivement je me dis que je n’aurais pas pu choisir de meilleur moment pour le lire.
Seul, en voyage dans des pays nordiques aux paysages hallucinants. J’ai ainsi pu découvrir ce livre sur une île des environs de Stockholm, face au fjord de Bergen, dans le train en plein milieu de la Norvège à 5h du mat, éclairé par cette lumière bleutée propre à ce pays sans nuit, ou encore dans un parc à Copenhague…
Ca a été la révélation. Je me suis dit que le loup des steppes c’était moi.

D’ailleurs, pendant longtemps, ma signature sur un forum trans était extraite de ce livre, vous allez comprendre pourquoi en la lisant : « Car l’homme n’est point une création solide et durable mais plutôt un essai et une transition; il n’est pas autre chose que la passerelle étroite et dangereuse entre la nature et l’esprit. »

Enfin voilà, je voulais juste évoquer ma rencontre avec ce livre (plus le livre lui-même qu’il faut juste lire) qui a changé ma vie… Et éventuellement donner envie de le lire à ceux qui ne l’ont toujours pas fait (pourtant c’est pas faute d’en parler !).

Un jour prochain je vous parlerai probablement du tableau qui fait office de bannière de ce blog, et de ma passion pour Munch…

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